Supply Chain durable : un corollaire de l'efficacité
- 31 mars 2020
- By Adrian Gonzalez
Que s'est-il passé de particulier le 23 octobre 2005 ?
C'est ce jour-là que Lee Scott, PDG de Walmart à l'époque, a prononcé un discours intitulé Le leadership du vingt-et-unième siècle dont on peut considérer qu'il a donné le coup d'envoi de l'ère de la logistique durable.
« La destruction de l'environnement menace notre santé et la survie des écosystèmes naturels dont nous dépendons », a déclaré Scott. Les défis auxquels nous faisons face sont nombreux :
- Augmentation du niveau des gaz à effet de serre qui contribuent au changement climatique et aux catastrophes naturelles.
- Élévation de la pollution de l'air, qui provoque une recrudescence de l'asthme et d'autres maladies respiratoires dans nos populations.
- Pollution de l'eau, qui ne cesse d'augmenter tandis que les réserves d'eau douce potable dont nous disposons s'amenuisent ; les maladies d'origine hydrique provoquent des millions de morts chaque année, principalement chez les enfants.
- Destruction d'habitats essentiels, ce qui représente une menace sans précédent pour la diversité des espèces, la nature et les êtres humains. Et ce ne sont là que quelques exemples.
« En tant qu'une des plus grandes entreprises mondiales, avec une implantation internationale croissante, nous considérons les problèmes environnementaux comme NOS problèmes. » L'approvisionnement en produits naturels (poissons, nourriture, eau) n'est possible que si les écosystèmes qui les fournissent sont préservés et protégés. Il n'existe pas deux mondes parallèles, le monde de Walmart et un autre. »
Deux ans plus tard, à l'automne 2007, j'ai présidé ce que je considère comme le point de départ de la chaîne logistique durable lors de la conférence annuelle du Council of Supply Chain Management Professionals (CSCMP). Même si la durabilité faisait déjà l'objet de nombreux articles dans la presse à l'époque, et malgré la présence d'orateurs prestigieux provenant d'entreprises de premier plan (Herman Miller, Whirlpool, Campbell Soup, Stonyfield Farm), ces sessions n'ont pas attiré un public aussi nombreux que je l'avais imaginé. Ma conclusion à l'issue de la conférence était la suivante : il existait un large fossé entre le battage médiatique et l'importance du développement durable dans la liste des priorités de la plupart des entreprises.
Les Supply Chains au centre du développement durable.
Faisons une avance rapide de 12 ans jusqu'à nos jours, avec Yossi Sheffi (directeur du MIT Center for Transportation & Logistics), qui a déclaré récemment dans un article sur LinkedIn : « Aucune entreprise digne de ce nom ne peut se passer d'une stratégie de durabilité. » « Et la chaîne logistique se situe au cœur de ces stratégies. »
Sheffi ajoute : « Pour la plupart des entreprises, la majorité des émissions de gaz à effet de serre sont générés par leur chaîne logistique. Ces dernières sont souvent synonymes de calamités sociales telles que : conditions de travail médiocres, travail des enfants et trafic d'êtres humains. Les gros titres des journaux et différents rapports font état d'un accroissement de ces pratiques, souvent cachées, qui entraînent un préjudice considérable pour la réputation des entreprises. En outre, la gestion de la Supply Chain se situe au cœur de problèmes critiques liés aux ressources, comme la réduction des volumes de déchets en plastique qui asphyxient nos océans. »
L'été dernier, nous avons demandé à notre communauté de recherche Indago, qui réunit des spécialistes de la logistique issus d'entreprises industrielles, du commerce de détail et de la distribution, si le développement durable était un objectif actuellement défini et mesuré au sein de leurs organisations. Près de 60 % des personnes interrogées ont répondu Oui.[1]
Nous avons également demandé à nos membres d'Indago quelles mesures leurs entreprises avaient mises en place pour améliorer cette durabilité de leurs opérations logistiques. Les deux actions les plus citées étaient « l'augmentation du recyclage des matériaux » et « la réduction des déchets générés par les opérations. »
Durabilité : une conséquence de l'efficacité logistique
Toutefois, comme le suggère l'interlocuteur suivant, ces mesures sont probablement dictées davantage par les « améliorations de l'efficacité » que par la durabilité : « Je pense que la durabilité est un bon outil de marketing, mais pas un pilote majeur pour la plupart des entreprises. L'important, et cette tendance ne fera que s'accentuer, c'est l'efficacité. Je pense qu'à mesure que l'efficacité s'améliorera, la durabilité suivra. Par exemple, l'avènement des ordinateurs personnels a réduit le besoin de documents imprimés ; la durabilité est un corollaire de l'efficacité. »
Sheffi fait une autre observation importante dans son article : « Nous ne savons pas exactement ce qui constitue une chaîne logistique durable. De plus, il est impossible d'identifier clairement quelles ressources les entreprises consacrent à la durabilité de leur organisation logistique, et de déterminer dans quelle mesure elles sont contraintes de divulguer et d'atteindre leurs objectifs dans ce domaine. »
Nos membres d'Indago reprennent ces mêmes arguments dans leurs commentaires :
« Même s'il semble que la logistique durable prenne de l'importance du point de vue des relations publiques, l'expérience m'a appris que la durabilité n'est pas vraiment considérée comme un besoin critique au niveau de la direction des entreprises. »
« Je pense que la durabilité demeurera un argument de vente/différenciation. » Je pense aussi, et je l'ai constaté, que les clients aiment parler de durabilité, mais qu'ils ne l'imposent que si elle est synonyme d'économie... On s'attend à ce que les fabricants [absorbent les éventuels surcoûts liés aux efforts de durabilité] au lieu d'en devenir partenaires dans une relation gagnant-gagnant. »
Il semble donc que le vieil adage selon lequel « l'écologie est bonne pour les affaires » reste vrai aujourd'hui, mais principalement parce que les seules initiatives « vertes » qui sont approuvées et auxquelles on consacre des efforts sont celles qui permettent de réduire les coûts ou qui présentent un autre avantage financier/d'efficacité (ou qui sont imposées par la législation ou la réglementation).
Le transport : au carrefour de la durabilité et de l'efficacité.
Si la durabilité est vraiment un corollaire de l'efficacité, le transport est le carrefour où ces deux éléments se croisent.
Selon l'Environmental Defense Fund, les mouvements de fret représentent 7% de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre des entreprises. Celles-ci proviennent principalement des camions, des trains, des navires et des avions qui acheminent les produits.
Il n'est donc pas surprenant que de nombreuses entreprises aient débuté leurs efforts de durabilité il y a des années en se concentrant en priorité sur leurs opérations de transport. Cela pourrait expliquer pourquoi « l'utilisation de logiciels d'optimisation pour créer des itinéraires de transport/traitement plus efficaces » a été classée à un niveau relativement modeste dans notre enquête Indago : non parce que ce n'est pas important pour les entreprises, mais parce qu'elles les ont déjà adoptés.
Dans mon précédent article sur l'optimisation des transports, j'écrivais : « Quelle que soit la simplicité ou la complexité de vos opérations de transport, vous devriez toujours poser des questions qui remettent en cause le status quo et rechercher des opportunités de réduire les coûts, d'améliorer les services, de réduire les risques et d'améliorer l'expérience client. » J'avais oublié une opportunité que les entreprises ajoutent de plus en plus souvent à cet ensemble : l'opportunité de réduire leur empreinte carbone.
Toute entreprise qui utilise un système de gestion des transports (TMS) pour optimiser et exécuter ses opérations de transport contribue de ce fait même à réduire son empreinte carbone, que ce soit en regroupant plusieurs cargaisons dans un même camion, en optant pour des modes de transport à empreinte carbone réduite (par ex. les trains plutôt que les camions, ou le transport maritime de préférence à l'aérien) ou en réduisant le kilométrage (et le nombre de camions utilisés ainsi que le carburant consommé) pour effectuer les livraisons au niveau local.
Pour les entreprises qui utilisent à la fois des transporteurs courants et leur propre flotte privée, un TMS permet d'optimiser la répartition entre ces différents modes de transport disponibles de manière mieux intégrée et plus intelligente. Cela se traduit généralement par une meilleure utilisation de la capacité de la flotte privée, une réduction du kilométrage effectué et un nombre moindre de camions sur les routes, le tout aboutissant à une réduction de l'empreinte carbone.
Sur le front de l'approvisionnement en transport, un TMS peut aider les entreprises à intégrer la durabilité à leur processus d'offre et de sélection. Par exemple, les entreprises peuvent inclure la participation à l'initiative SmartWay comme un autre facteur utilisé par le TMS pour noter et classer les transporteurs en fonction des voies empruntées. Dans certaines entreprises, la participation à l'initiative SmartWay est d'ailleurs exigée.
En ce qui concerne la veille et les analyses commerciales, de nombreux tableaux de bord issus du TMS offrent désormais une visibilité sur les métriques de durabilité. Cela permet aux entreprises de comprendre les compromis non seulement entre coûts et services selon les modes de transport et les itinéraires, mais aussi entre les émissions de gaz à effet de serre et l'empreinte carbone. La capture d'écran ci-dessous, extraite du TMS de Manhattan Associates, permet par exemple aux utilisateurs de suivre les indicateurs clés de performance/métriques de durabilité pour mesurer la progression de leurs pratiques en termes de chaîne logistique écologique.
Source : Manhattan Associates
En bref, on pourrait presque dire que le « S » de TMS signifie 'sustainability' (durabilité). Gregg Lanyard, Directeur des Solutions Transport chez Manhattan Associates, partage cet avis :
« Les Supply Chains sont plus dynamiques et plus fragiles que jamais. S'agissant de la conception d'un réseau continu et de l'optimisation continue, par sa nature même, le TMS favorise la protection de l'environnement. Identifier les bons itinéraires, déterminer quelle flotte utiliser par rapport à une autre (privée ou sous-traitée), réduire les parcours à vide, augmenter l'utilisation des équipements et optimiser le nombre d'expéditions - tous ces éléments vont dans le sens de cet effort. En matière d'analyse et de rapports, nous sommes aujourd'hui mieux à même d'évaluer l'efficacité, la consommation de carburant et l'utilisation des moteurs et des remorques, ainsi que l'empreinte carbone et ce, grâce à un TMS. Et lorsqu'on mesure les choses, il devient possible de les améliorer. »
Plus de sources d'amélioration
Dans le domaine des transports, il reste de nombreuses pistes d'amélioreration en matière d'efficacité opérationnelle et de durabilité. L'une des plus importante porte sur la réduction du nombre de véhicules de livraison utilisés en développant des produits plus petits et des emballages plus intelligents.
En juillet 2015, par exemple, le Wall Street Journal a publié un article présentant la manière dont IKEA conçoit ses emballages dans l'optique de la livraison. Pour un seul produit, cela se traduit par l'élimination de près de 7 500 camions sur les routes chaque année.
Le WSJ a également consacré un article au produit d'emballage iBubble Wrap de Sealed Air Corporation. Contrairement au papier bulle traditionnel, cette nouvelle version est vendue sous forme de feuilles de plastique plates que les clients gonflent d'air dans leurs locaux à l'aide d'une pompe spécifiquement conçue. Comme le produit est vendu en feuilles au lieu de rouleaux encombrants, une cargaison d'iBubble Wrap contient autant de matériau d'emballage que 47 cargaisons de l'ancien produit !
Il reste également de nombreuses opportunités de réduire les kilomètres perdus ou parcourus à vide. Par exemple, selon le National Private Truck Council, 26 % des kilomètres parcourus à vide par une flotte privée sont disponibles pour effectuer des approvisionnements ou traiter des retours, tandis que 42 % de ces kilomètres à vide pourraient être « vendus » à des tiers. Toutefois, il a toujours été difficile de mettre en correspondance cette capacité disponible avec des chargements à ramasser et, de gérer leur exécution et les transactions financières qui s'y rapportent.
La bonne nouvelle est que les progrès de la technologie, en particulier l'informatique dans le cloud, le logiciel en tant que service, les interfaces de programmation des applications et l'informatique mobile, facilitent le travail des chargeurs, des transporteurs et des coursiers de toutes tailles, ainsi que des flottes privées et autres intervenants de l'écosystème des transports. Cela leur permet de s'intégrer et de travailler ensemble plus facilement.
La durabilité de la logistique commence au stade de la conception
J'ai commencé ma carrière en tant qu'ingénieur en développement de produits. L'une des premières choses que l'on apprend tient au fait que toute modification que vous apportez à un produit au stade de la conception est beaucoup plus simple et moins coûteuse que les changements qui interviennent une fois la production lancée.
En bref, les décisions que vous prenez au stade de la conception ont souvent des effets à long terme. Il est donc préférable de réfléchir soigneusement à toutes les options et compromis possibles à l'avance (il suffit de penser au problème qu'a rencontré le Boeing 737 MAX).
La réalité est que la plupart des produits et des chaînes logistiques actuels n'ont pas été conçus dans une optique de durabilité. Par exemple, si vous ne concevez pas un produit de telle façon qu'il soit simple et économique pour une autre personne de le démonter et de réutiliser/recycler ses matériaux, il finira probablement dans une décharge à ordures. De même, si vous concevez votre réseau logistique et investissez des capitaux importants dans les usines et les centres de distribution sans prendre en compte l'empreinte carbone et autres considérations environnementales, vous vous retrouverez prisonnier de votre réseau pendant des années, sauf si vous êtes prêt à consentir un gros effort financier.
Nous avons certes beaucoup progressé en termes de Supply Chain durable depuis ce jour d'octobre 2005. Il reste cependant un fossé entre ce que disent les entreprises et ce qu'elles font réellement en matière de développement durable. Le meilleur moyen de combler ce fossé à l'avenir consiste à intégrer le développement durable à la conception de la Supply Chain.
Optimisez tout. Manhattan TMS.
[1] Même si la taille de l'échantillon était relativement réduite, les interlocuteurs étaient tous des responsables de haut niveau (50 % d'entre eux occupaient un poste de directeur ou supérieur) et issus d'entreprises et de secteurs d'activité très divers (42 % d'entre eux venaient d'entreprises réalisation plus d'un milliard de dollars de chiffre d'affaires dans le secteur de l'alimentation et des boissons, de la distribution, des biens de consommation, de l'automobile, etc.).